À 53 ans, j'ai enfin compris que ma quête n'est pas universelle
Une réflexion personnelle sur la fin de production de Coeur Galactique et les leçons de maturité créative
Dans quelques jours, je vais mettre la dernière main au dernier épisode de la première saison de Coeur Galactique. Deux années d'un voyage créatif intense qui m'aura appris plus sur moi-même que tous mes précédents projets réunis. Mais ce n'est pas tant du space opera dont je veux vous parler aujourd'hui, que d'une prise de conscience tardive – et peut-être libératrice – sur ma propre nature de créateur.
Le Mythe du Projet Personnel Universel
Pendant des années, j'ai été cet ami qui pousse. Vous savez, celui qui interroge : "Et ton roman, ça avance ?", "Tu as pensé à ce projet de BD ?", "Quand est-ce que tu sors ton album ?" J'étais convaincu que tout créateur devait avoir son grand projet, cette œuvre personnelle qui lui permettrait de s'accomplir pleinement.
Cette conviction était ancrée profondément en moi. Elle venait de ma propre expérience : créer à plusieurs et mener ces créations à bien me procure littéralement un bien-être physique. Quand un épisode de podcast sort, quand j'entends les retours de la communauté, quand je vois qu'une histoire trouve son public, je ressens quelque chose qui ressemble à de la complétude. Une validation qui comble un vide que je commence seulement à comprendre.
La Faille Révélatrice
Cette année, au détour d'un conflit et d'un reproche que l'on m'a fait, j'ai été confronté à une vérité difficile à accepter : ce qui m'anime est probablement une faille. Un vide qui me rend nécessitaire plus que la moyenne de la validation extérieure. J'ai besoin de me sentir validé, et le meilleur moyen que je connaisse pour ressentir cette validation est de créer à plusieurs et de mener à bien ces créations.
À la lumière de cette révélation, mes années d'encouragements insistants auprès de mes amis créatifs prennent un éclairage différent. Je ne les poussais pas vers l'épanouissement – je tentais de leur transmettre ma propre quête, ma propre nécessité. Sans réaliser que cette pulsion vitale qui m'habite ne vit pas forcément en tout le monde.
L'Éveil de la Cinquantaine
À 53 ans, je découvre ce que la psychologie appelle la "maturité émotionnelle" de la cinquantaine. Les recherches montrent qu'autour de cet âge, nous développons une meilleure connaissance de nous-mêmes et une capacité accrue à accepter nos différences. C'est exactement ce qui m'arrive : je commence enfin à comprendre que ce qui fonctionne pour moi n'est pas forcément applicable aux autres.
J'ai lu quelque part que nous naissons tous avec une question, une quête qui nous animera toute notre vie, mais que chacune et chacun naît avec une question qui lui est propre. Cette idée me fascine et me rassure à la fois. Ma quête de validation externe par la création collaborative n'est ni plus noble ni plus légitime qu'une autre approche de l'accomplissement personnel.
Le Reflet dans l'Œuvre
Cette prise de conscience a profondément influencé l'écriture de Coeur Galactique. J'ai décidé de bâtir la psychologie de Jules Ardent, le héros de ma série, sur ce même besoin de validation externe. Comme moi, il cherche constamment l'approbation et la reconnaissance de ses pairs dans l'univers hostile de l'espace. Cette faille psychologique devient le moteur de ses actions, ses erreurs, ses victoires.
En écrivant Jules, j'ai mieux compris ma propre mécanique intérieure. Cette dépendance à la validation extérieure qui pourrait sembler être une faiblesse devient, dans le contexte créatif, un moteur puissant. Elle me pousse à l'excellence, à la collaboration, à la recherche permanente de la résonance avec le public.
Lâcher Prise sur l'Injonction Créative
Aujourd'hui, je m'efforce de ne plus inciter mes amis à faire comme moi. Cette injonction au projet personnel que j'ai longtemps véhiculée était, je le réalise maintenant, une projection de mes propres besoins. Certains trouvent leur accomplissement dans la contemplation, d'autres dans l'action sociale, d'autres encore dans la simple présence au monde.
Chacun sa route, chacun ses besoins. Cette phrase, si simple en apparence, m'aura pris plus de cinquante ans à vraiment intégrer.
L'Après-Saison et l'Acceptation
Je dois avouer que je fait durer le montage du dernier épisode de Coeur Galactique car je crains l'après-saison. Cette fin marque la conclusion d'un cycle intense de validation quotidienne, de retours de l'équipe, de l'excitation partagée de la création. L'angoisse du vide qui suit l'accomplissement d'un projet est, elle aussi, symptomatique de ma dépendance à la reconnaissance externe.
Mais j'ai déjà commencé à cogiter sur la saison deux, et elle promet. Vzeeble fourbira ses outils digitaux pour une bande-annonce ambitieuse. L'aventure continue, alimentée par cette même soif de validation, mais désormais assumée et comprise.
Une Sagesse Tardive
Si je partage cette réflexion intime, c'est parce qu'elle illustre peut-être l'un des paradoxes de la maturité créative. À 53 ans, je découvre que ma plus grande force – cette capacité à fédérer des équipes autour de projets ambitieux – trouve sa source dans ce que certains pourraient considérer comme une fragilité psychologique.
Cette faille n'est ni à soigner ni à cacher. Elle est à accepter, à comprendre, et surtout, à ne plus projeter sur les autres. Ma quête de validation par la création collaborative n'est ni un modèle à suivre ni un exemple à donner. C'est simplement ma façon, unique et personnelle, de donner du sens à mon existence.
La véritable sagesse, peut-être, consiste à reconnaître que nos motivations les plus profondes ne sont pas universelles, et que c'est précisément dans cette singularité que réside notre contribution unique au grand concert humain.
Coeur Galactique saison 1 sera bientôt disponible dans son intégralité. Mais aujourd'hui, plus que de vous parler de space opera, j'avais envie de partager cette réflexion sur les chemins parfois tortueux qui nous mènent à nous comprendre nous-mêmes.